Je ne suis plus une guerrière

Je ne suis plus une guerrière

C’est de la guerre que naît le besoin de former des guerriers qui seront utiles à la servir. La paix, elle, suscite la volonté puissante de faire le bien ensemble.

La valorisation du guerrier

Dans le sens propre du terme, un guerrier est un combattant, souvent lié à l’armée, un soldat au service d’une cause ou d’une nation. Nous leur accordons des valeurs telles que le sens du devoir, le courage, la force, l’abnégation et l’obéissance. Des valeurs portées au nues depuis des générations, les guerriers représentent alors ces valeurs dans l’esprit commun. Jusque dans les tribus éloignées, être un guerrier est une condition de choix, un honneur pour la famille. Nous avons un peu perdu cette considération en occident, où nos soldats sont de plus en plus considérés comme servant une cause dont le bénéficiaire n’est plus forcément le peuple, n’étant même plus garantit de servir leur mission première : l’instauration de la paix. Mais revenons à ces valeurs, nous utilisons aujourd’hui régulièrement le terme de “guerrier”, non plus pour parler de soldat. Plus familièrement, nous parlons de personnes qui mènent leur vie sans jamais baisser les bras, faisant toujours face à l’adversité, surmontant les embûches de la vie, faisant preuve d’une volonté et d’une détermination solides. Des guerriers modernes, dont les qualités sont autant valorisées que celles de nos guerriers ancestraux.

Et pourtant…

Nous avons tous une personne dans notre entourage que nous pourrions qualifier de « guerrier », quelqu’un qui se démène pour mener à bien son entreprise, qui soulève des montagnes pour atteindre son objectif ou qui se bat pour sa survie, sa santé. Mais sont-ils vraiment des « guerriers » ? S’agit-il vraiment d’une guerre à mener ? C’est infime, commencez-vous à percevoir la nuance ? Drôlement bien dissimulée dans une éducation populaire distillée ainsi depuis des générations, à nous les valeureux guerriers.

La louange du labeur et du sacrifice

Nous avons été conditionnés à penser que le labeur et le sacrifice personnels sont de grandes valeurs et nous les appliquons proprement, nous sommes en admiration devant les personnes qui font preuve de ce courage guerrier. Malgré tout, quelqu’un qui a réussi sans s’essouffler ne mérite-t-il pas la même reconnaissance de sa réussite ? Ne peut-on pas être heureux pour lui de la même manière que nous admirons celui qui a donné plus d’efforts ? Ce que révèle cette admiration, c’est que nous nous projetons sur ces personnes courageuses, pensant, qu’à leur place, nous n’aurions peut-être pas eu leur courage et leur pugnacité. Cela en révèle surtout beaucoup sur nous-même.

Je pense donc j’agis

Si nous pensons en permanence que nous devons nous battre pour nous-même, contre les autres, contre la société, alors nous nous mettrons naturellement dans une posture de méfiance vis-à-vis du monde qui nous entoure. Nous ferons moins confiance, nous nous fatiguerons seuls dans des initiatives où le collectif aurait pu nous épauler et créer de nouvelles rencontres, des collaborations futures. Gandhi a repoussé les anglais sans se battre, il n’a simplement jamais cédé à ce qu’il croyait bon pour son pays, l’Inde. Mère Térésa disait « Je n’irai pas à une manifestation contre la guerre, mais si vous faîtes une manifestation pour la paix, invitez-moi. ». Là est le secret des plus grandes personnalités pacifistes : marcher “pour” et pas “contre”. « Contre » signifie avoir un adversaire, or l’unité ne pourra se faire si l’on considère avoir des adversaires, elle n’existe qu’ensemble, tous ensemble.

Changer de paradigme

Et si nous essayions tout simplement de ne plus penser comme des guerriers. Nous ne sommes pas en guerre, nous sommes en chemin. Il y a des côtes à monter, des plats, des pauses pique-nique, ainsi va la vie. A croire que nous devons « nous battre pour y arriver », « nous battre pour nous en sortir », « nous battre pour gagner notre vie » ! Nous nous mettons dans un état d’esprit de guerrier qui nous épuise, même un guerrier vit des trêves et des temps de paix. Et pourquoi croire qu’il nous faut gagner une vie que nous possédons déjà ? La maladie même est un appel à revenir à l’essentiel, à se centrer sur soi-même, un « prend soin de toi » hurlant parfois. Nous ne serons pas meilleurs en nous “battant” pour notre vie, et nous n’en serons pas moins courageux, moins volontaires, moins déterminés ou moins altruistes. Nous sommes juste chacun sur notre voie personnelle. Aimons-la, aimons-nous, observons le paysage, sentons le vent, apprenons de nos réussites comme de nos déconvenues personnelles, de nos rencontres, bonnes comme mauvaises, marchons vers notre but et prenons un repos quand nous le jugeons nécessaire.

La vie est un monde à découvrir, pas un champ de bataille. Prenons soin de nous, prenons soin de nous tous.

Paulo Coelho – L’Alchimiste

Kanoa